À la découverte des réserves du Musée des Sapeurs-Pompiers de Lyon

À Vaulx-en-Velin, les réserves du Musée des Sapeurs-Pompiers de Lyon ne sont accessibles qu’à de rares occasions, comme les Journées Européennes du Patrimoine. Pourtant, elles abritent une collection exceptionnelle de plus de 150 véhicules, retraçant l’évolution des véhicules de secours sur plus d’un siècle, de 1909 aux années 2000.

La visite de la salle des merveilles permet de découvrir les plus anciens véhicules de la collection, parmi lesquels une Citroën C6 de 1932, une Delaunay-Belleville MF6 de 1923 et une Rochet-Schneider. Ces voitures, initialement destinées à un usage civil, ont été transformées après la guerre en véhicules d’incendie. La Delaunay-Belleville et la Rochet-Schneider, autrefois des voitures de maître, ont été adaptées pour répondre aux besoins des sapeurs-pompiers, qui les ont équipées pour intervenir lors des premiers départs incendie. La cellule passager était remplacée par un équipement fonctionnel permettant de transporter le personnel, du matériel, une motopompe, ainsi qu’un brancard.

Berliet CAK de 1909 : Le premier véhicule motorisé des sapeurs-pompiers de Lyon

Le Berliet CAK, datant de 1909, est le premier véhicule motorisé des sapeurs-pompiers de Lyon. Avant son acquisition, les sapeurs-pompiers utilisaient des pompes à vapeur tirées par des chevaux. Ce véhicule marque un tournant : il permet de gagner en rapidité et en efficacité lors des interventions en ville. Cependant, lors de sa livraison, aucun sapeur-pompier ne dispose du certificat de capacité de conduite, et ce sont les mécaniciens de Berliet qui ont pris en charge la conduite et la mise en eau du véhicule.

À la découverte des réserves du Musée des Sapeurs-Pompiers de Lyon

Après avoir servi à Lyon, il est vendu au corps des sapeurs-pompiers de Vienne, puis finit sa carrière à Frontonas (38). Réformé en 1959, il est ensuite récupéré par la société Berliet, qui en fait don au musée en 1976.

Ce véhicule a connu plusieurs restaurations majeures tant au niveau carrosserie que mécanique. Dans les années 1990, un accident impliquant un petit camion endommage gravement le véhicule, pliant son essieu arrière et tordant son châssis. La société Echinard et Faure s’occupe alors de le restaurer pour lui redonner son éclat d’antan. Aujourd’hui, il témoigne de l’excellence mécanique et de l’histoire des véhicules de secours lyonnais.

Berliet CBA : Une restauration minutieuse pour un fourgon historique

Autre pièce maîtresse du musée, le Berliet CBA, un fourgon-pompe qui a servi aux sapeurs-pompiers de Lyon de 1919 à 1953. Ce véhicule, récupéré par le musée en 1995, a connu plusieurs vies : après son service chez les pompiers, il est vendu à une usine de tissage dans la Loire, puis stocké au musée pendant de nombreuses années. En 2015, une décision est prise : le restaurer intégralement.

La restauration du Berliet CBA est un projet colossal, avec un démontage complet du véhicule, un contrôle minutieux des pièces, suivi de leur nettoyage, peinture et remontage. La mécanique est, elle aussi, restaurée, ainsi que les trains roulants et l’équipement spécifique aux sapeurs-pompiers. Fidèle à l’époque, le fourgon conserve son équipement arrière en bois, témoignent de l’authenticité et du respect des matériaux d’origine.

Une dameuse transformée en véhicule de première intervention

Parmi les véhicules insolites, une ancienne dameuse de station de ski a été transformée en véhicule de première intervention pour les stations d’altitude et les refuges isolés. Cette reconversion illustre bien la diversité des véhicules que l’on peut découvrir dans ces réserves.

À la découverte des réserves du Musée des Sapeurs-Pompiers de Lyon

Alors que les missions des sapeurs-pompiers actuels sont principalement axées sur le secours à personnes (environ 85 % des interventions), la lutte contre les incendies reste leur deuxième mission essentielle. Si quelques ambulances datant des années 1950 à 1990 sont présentes, la majorité des véhicules exposés sont des engins d’incendie, notamment des Berliet, marque emblématique de Lyon. 

Une star du grand écran

Parmi les véhicules les plus célèbres, un Renault ayant joué dans le film “La Grande Vadrouille” en 1973 aux côtés de Louis de Funès et Bourvil, renforce l’attrait cinématographique de la collection.

Les véhicules de grande puissance

Les véhicules de grande puissance, conçus pour combattre les incendies industriels et de grande ampleur, occupent une place essentielle dans l’équipement des sapeurs-pompiers. Parmi ces machines imposantes, on retrouve des fourgon mix-grande puissance et des fourgon mousse grande puissance, véritables piliers des interventions lourdes. L’évolution de ces véhicules, des années 1950 aux années 1980, reflète les progrès techniques et l’adaptation aux nouvelles normes au fil des décennies.

Le premier véhicule de cette série de véhicules de grande puissance  est un Berliet des années 50. À cette époque, Berliet, célèbre constructeur lyonnais de camions et d’autobus, propose un châssis qui sera utilisé pour plusieurs modèles, y compris pour les transports en commun. Ce qui rend ce véhicule singulier, c’est la manière dont il a été réinventé : la partie avant est typiquement celle d’un bus, tandis que l’arrière a été modifié en fourgon incendie. Ce type de véhicule est capable de transporter jusqu’à 12 sapeurs-pompiers, un atout majeur pour les missions nécessitant une intervention rapide et massive.

Le second véhicule est également un fourgon mixte à grande puissance des années 1970. Au fil des décennies, les normes ont évolué. Ainsi, le dernier modèle de cette série, un fourgon mousse grande puissance des années 1980, reflète ces changements. Ce véhicule, conforme aux nouvelles normes de l’époque, illustre l’évolution continue de la technologie et de la réglementation pour s’adapter à des situations d’urgence de plus en plus complexes.

L’échelle mécanique Merryweather de 1923

Au cœur de l’histoire des sapeurs-pompiers de Lyon se trouve l’échelle mécanique Merryweather de 1923. Ce modèle est particulièrement exceptionnel, car il représente le dernier exemplaire existant au monde. Deux modèles différents de la marque Merryweather, non restaurés, se trouvent respectivement au Brésil et en Australie. Fabriquée par Merryweather, une marque anglaise réputée, cette échelle est commandée avant la Première Guerre mondiale, mais son arrivée à Lyon est retardée jusqu’après la guerre.

L’échelle est livrée en pièces détachées, nécessitant un certain temps pour son assemblage et sa mise en service, ce qui explique son inauguration seulement en 1923. Ce modèle emblématique est réformé en 1958, puis transféré au service d’éclairage de la ville de Lyon, où il a continué à être utilisé pendant quelques années. Cependant, avec l’évolution des technologies, l’échelle est devenue obsolète et a été donnée à l’école d’agriculture de Cibiens, où elle est négligée et recouverte de matériaux et de fourrage.

La renaissance de cette échelle a lieu en 1971, lorsque le chef de corps des sapeurs-pompiers de Lyon, lors d’une visite à l’école, découvre cet engin oublié. Conscient de la valeur historique de l’échelle, il décide de la rapatrier dans les ateliers de restauration. À son arrivée, l’échelle est dans un état déplorable, nécessitant une restauration minutieuse.

Ce travail de restauration a impliqué des techniques artisanales délicates. À l’époque, les ailes et les capots de l’échelle étaient bleuis au chalumeau. Le processus de restauration a donc inclus un décapage soigné, un ponçage à blanc des tôles, suivi d’une stabilisation de la couleur par un bain d’huile. Ce type de restauration exige un savoir-faire particulier, seul un compagnon qualifié étant capable de réaliser ce travail d’une telle précision. En parallèle, la partie mécanique et les différents éléments de l’échelle sont aussi soigneusement restaurés.

Aux côtés de l’échelle Merryweather, les réserves du musée des sapeurs-pompiers de Lyon présentent également l’évolution des échelles mécaniques à travers le XXe siècle. 

Parmi les modèles exposés, on trouve une autopompe échelle de 1925, qui se désolidarise du véhicule pour fonctionner comme deux engins distincts : un engin de pompage et une échelle. Ce modèle, toujours dans son état d’origine, a survécu à la Seconde Guerre mondiale, et il est marqué par des traces d’impacts d’une attaque allemande survenue en juin 1940.

Du butin de guerre aux pompiers de Chalon-sur-Saône

Après la Seconde Guerre mondiale, les sapeurs-pompiers français ont récupéré une quantité significative de matériel, notamment américain, suite au débarquement allié, mais aussi du matériel capturé à l’armée allemande lors de la débâcle. Parmi ces équipements, un véhicule notable est un Mercedes, utilisée à l’époque pour assurer la défense incendie des bases allemandes dans le sud de la France. Ce camion a été subtilisé par les maquisards français pendant la débâcle. Il a ensuite été affecté aux pompiers de Chalon-sur-Saône, où il a servi fidèlement jusqu’aux années 1990.

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Tubincendie au service de la lutte contre les incendie

Le Tubincendie, carrossier constructeur éponyme, se distingue par son châssis issu de la célèbre gamme Renault Galion, une référence dans le domaine des véhicules utilitaires. Ce modèle est propulsé par une motorisation Hotchkiss à six cylindres, offrant ainsi une puissance et une robustesse idéales pour les interventions d’urgence.

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Floirat : Un savoir-faire ardéchois

À côté du Tubincendie, nous découvrons un véhicule Floirat, une marque ardéchoise bien connue, basée à Annonay. A l’origine constructeur de cars, Floirat a su diversifier sa production pour inclure des véhicules de lutte contre les incendies. Ce modèle spécifique repose sur un châssis qui a également été utilisé par des marques emblématiques telles que Simca et Ford. En récupérant et en modifiant ce châssis, Floirat a créé un fourgon pompe tonne, adapté aux exigences des services d’incendie.

Un Delahaye au service de la défense incendie

Ce véhicule de la marque Delahaye était autrefois utilisé par l’armée française. Ce véhicule a joué un rôle crucial dans la défense incendie de l’arsenal de Toulon ainsi que d’une base aéronavale. Grâce à ses performances et sa robustesse, il a été conçu pour faire face aux exigences élevées des missions de secours. Après sa réforme, il a été récupéré par les sapeurs-pompiers, qui ont su lui donner une nouvelle vie dans leurs interventions.

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Un Renault au cœur de l’histoire

Un autre véhicule remarquable est un modèle de marque Renault, fabriqué durant l’occupation allemande. Ce véhicule a servi de manière significative pour le transport de troupes et de matériel pour l’armée allemande. Il a par la suite été transformé en véhicule incendie. 

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Une Peugeot 402 ex-corbillard reconvertie en véhicule de premier départ incendie

Cette Peugeot 402 a été récupéré par les sapeurs-pompiers de Cognin, une petite commune de Savoie. À l’origine, ce véhicule n’était pas destiné à un usage chez les sapeurs-pompiers : sa teinte d’origine est noire, et il ne s’agit pas d’une version bâchée pick-up, mais d’une version tôlée vitrée break, car à l’origine c’est un corbillard. Les sapeurs-pompiers l’ont donc transformé en véhicule de premier départ incendie.

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Une collection de véhicules historiques

Dans les réserves du musée des sapeurs-pompiers de Lyon, plusieurs véhicules emblématiques sont exposés, notamment des Renault Galion, Voltigeur et Goëlette de 2,5 tonnes. Ces modèles ont été largement adoptés par les sapeurs-pompiers en France, et leur polyvalence a permis leur utilisation sous différentes configurations, que ce soit comme véhicules incendie ou ambulances.

Les Renault Galion, en particulier, ont su s’imposer grâce à leur robustesse et leur fiabilité, faisant d’eux des alliés précieux pour les équipes de secours. Leur présence dans les réserves du musée témoigne de leur importance dans l’histoire des sapeurs-pompiers.

Drouville : Un carrossier innovant

Le carrossier Drouville a également contribué à l’histoire des véhicules de secours avec des créations innovantes basées sur le châssis et la mécanique des Renault Galion. En dotant ces véhicules d’une cabine élargie et d’un équipement spécifique à l’arrière, Drouville a su répondre aux besoins uniques des sapeurs-pompiers. Ces transformations permettent d’optimiser l’espace et de rendre le véhicule plus fonctionnel pour les missions de secours.

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Parmi les réalisations notables de Drouville figure un tracteur d’échelle. Conçu pour une maniabilité maximale, ce véhicule a également trouvé sa place dans des environnements tels que les docks et les aéroports, où il est utilisé pour tracter des chariots et des caissons. 

Les réserves des sapeurs-pompiers de Lyon constituent un véritable sanctuaire de l’histoire automobile et de la lutte contre les incendies. Cette collection unique, restaurée avec passion, raconte l’évolution des véhicules et des techniques d’intervention des sapeurs-pompiers à travers les âges, un héritage que le musée protège et partage lors de ses rares ouvertures au public.