Au tournant du XXᵉme siècle, l’automobile amorce une évolution décisive. Grâce à des avancées techniques et à des améliorations dans la conception mécanique, les véhicules ont désormais des carrosseries spécifiques, se démarquant progressivement des voitures hippomobiles.
En 1900, la France compte 2897 voitures, dont une majorité de voitures de luxe (2354 unités) et 543 véhicules industriels destinés aux transports de marchandises, aux professions libérales comme les médecins ou encore aux voyages commerciaux.
L’essor de l’automobile aux États-Unis
De l’autre côté de l’Atlantique, l’industrie automobile se développe également. En 1901, Oldsmobile lance la Curved Dash, un modèle à la fois fiable et polyvalent qui remporte un vif succès aux États-Unis, sauvant ainsi l’entreprise de la faillite.


Quelques années plus tard, en 1903, Henry Ford fonde la Ford Motor Company à Détroit. Son modèle phare, la Ford T, révolutionnera l’industrie automobile. Produite de 1908 à 1927, la Ford T connaît un succès légendaire avec 15 millions d’unités vendues. L’innovation majeure introduite par Ford réside dans le fordisme, un système d’assemblage à la chaîne qui permet une production massive à des coûts réduits. La Ford T, propulsion dotée d’une transmission à deux vitesses avant et une vitesse arrière, est l’aboutissement d’une série de prototypes allant de la Ford A à la Ford S.



Les débuts prometteurs de Renault
En France, l’histoire de Renault s’écrit sous l’impulsion des trois frères Renault, qui fondent l’entreprise en 1898. Dix ans plus tard, en 1908, Louis Renault devient l’unique propriétaire de la société automobile Renault en rachetant les parts de ses frères. Le succès est fulgurant : dans un atelier de 45 620 mètres carrés, 1900 ouvriers produisent une gamme variée de véhicules de tourisme et de petits utilitaires.
En août 1908, Renault lance la Type AX, un modèle révolutionnaire. Dotée d’une carrosserie confortable comprenant deux sièges baquets et un coffre arrière, la Type AX est propulsée par un moteur deux cylindres de 8 chevaux. Ce modèle se distingue par sa personnalisation : les clients peuvent ajouter des équipements tels qu’une capote ou un pare-brise, le transformant en un cabriolet élégant et pratique. Des carrossiers comme Driguet adaptent également la Type AX pour offrir une conduite intérieure, protégeant ainsi les passagers des intempéries.


La Type AG1, introduite par Renault, s’illustre comme le premier modèle utilisé pour les taxis parisiens, remplaçant les véhicules hippomobiles. Simple et robuste, elle est appréciée pour sa cabine décapotable permettant de profiter des beaux jours. Mais c’est en 1914 que la Type AG1 entre dans l’Histoire. Mobilisée pour transporter les soldats jusqu’au front de la Marne, elle effectue deux allers-retours nocturnes, tous feux éteints, avec cinq soldats à son bord par trajet. Elle gagne le surnom de « taxi de la Marne » pour sa contribution à l’effort de guerre. Pratique à entretenir et fiable, ce modèle devient un symbole du succès international de Renault.


L’invention de la pompe à essence
En 1901, John Tohkeim révolutionne la distribution de carburant en inventant la « Tokheim Dome Oil Pompe ». Cet équipement innovant a été conçu pour améliorer la méthode de distribution de l’essence.
Quelques années plus tard, en 1907, John Tokheim dépose un brevet pour une autre innovation majeure : la jauge à niveau de liquide. Cette avancée technologique permet d’améliorer précision et contrôle dans la distribution du carburant, consolidant ainsi sa réputation d’inventeur visionnaire.
Cependant, le destin de Tokheim prend une tournure inattendue en 1910, lorsque deux multimillionnaires rachètent toutes les actions de sa société. L’année suivante, il est évincé de l’entreprise qu’il avait fondée. Loin de se laisser abattre, John Tokheim crée une nouvelle société et poursuit son travail en développant d’autres équipements innovants pour répondre aux besoins toujours croissants du marché.
Le constructeur Richard – Brasier

L’entreprise est fondée en 1902 par Georges Richard et Charles-Henri Brasier à Ivry-Port. Charles-Henri Brasier, diplômé de l’école des arts et métiers de Châlons commence sa carrière dans l’entreprise Mons en tant que dessinateur. Il conçoit un tricycle à vapeur présenté à l’exposition universelle de 1889. Il crée par la suite un moteur quatre cylindres en V avec un allumage par rupteur. C’est dans les courses automobile que Brasier va hisser la marque Mons sur les podiums. En 1901 après des différends avec la société Mons, il quitte l’entreprise. Charles-Henri Brasier rejoint Georges Richard – De cette association naît une voiturette deux cylindres de 8HP et une voiture légère de quatre cylindres de 12HP puis une voiture de tourisme de quatre cylindres de 16HP. Les voitures ressemblent à celles de Panhard et Levassor.
Des modèles de courses plus puissantes sont engagés dans la course Paris Madrid en 1903 mais l’épreuve s’arrête à Bordeaux suite à de nombreux accidents. Georges Richard est très gravement blessé à la jambe après avoir percuté un arbre. Pendant ses séjours à l’hôpital, Richard laisse provisoirement la direction de l’entreprise à Brasier. Charles-Henri Brasier conçoit deux nouvelles voitures, la 24HP et la 40HP. Il engage une voiture dans la course Gordon Bennett. Léon Théry termine en tête avec la voiture Richard-Brasier puis gagne encore une fois une course sur un circuit allemand. La popularité du constructeur et du pilote devient énorme. Tous les deux sont reçus à l’élysée par Emile Loubet, le président de la république.

Cette énorme notoriété monte à la tête de Charles-Henri Brasier qui met un terme à l’association avec Georges RIchard. Brasier garde l’usine d’Ivry-Port, garde l’emblème du trèfle à quatre feuilles qui avait été déposé par Richard. Il fait un procès à Richard pour qu’il ne puisse pas utiliser le nom “Richard » dans une nouvelle entreprise d’automobile. Georges Richard fonde la société Unic.
Charles-Henri Brasier poursuit la commercialisation des voitures sans aucune innovation. l’entreprise se mobilise pour la préparation de voitures de course. Une nouvelle victoire dans la course Gordon Benett en 1905 porte Brasier à son apogée. L’entreprise décline peu à peu, les ventes ne sont plus au rendez-vous. En effet, Charles-Henri Brasier a doublé le prix des voitures, qui n’ont pas reçu d’innovation depuis un certain temps, en s’imaginant pouvoir mettre à profit sa notoriété. Il faut revoir le prix de vente et concevoir un nouveau véhicule. Charles-Henri Brasier dessine un bicylindre de 10 HP et les ventes doublent. La gamme de voitures comprend 10 modèles en 1912. Les freins sur les roues avant sont mis en série sur les voitures. Les voitures évoluent mais ce n’est pas une révolution et ce n’est pas suffisant, les concurrents sont bien plus en avance au niveau technologique. Les ouvriers font grève assez souvent puisqu’ils ne veulent pas du système de travail à la chaîne. La guerre arrive et Brasier fabrique des obus et des moteurs d’avions. Après la guerre, un seul modèle est produit, une 18 HP. Des camionnettes et des petits camions complètent la gamme. Tous les modèles sont techniquement dépassés et Brasier sera racheté quelques années plus tard par Delage.

Les carrossiers
Au tout début de l’automobile, les constructeurs fabriquent des châssis nus et des moteurs. Les clients peuvent faire carrosser leurs voitures à leur guise. Les carrosseries sont plus confortables et sont élaborées sous plusieurs formes : limousines, coupés limousines, conduites intérieures et torpédos. Ces nouvelles carrosseries s’ajoutent à la gamme déjà existante de carrosserie : les cabriolets, les coupés et les landaulets. Les formes de carrosseries plus anciennes et plus légères (tilbury, milord et victoria) sont abandonnées. Les carrosseries s’éloignent peu à peu des carrosseries en bois des voitures hippomobiles. Après la guerre, les carrossiers se sont adaptés aux carrosseries en acier comme sur la B12 de Citroën.


Les constructeurs lyonnais
Nombreux constructeurs lyonnais ont pris part à l’aventure de l’automobile. Mais certains grands noms de marques nous interpellent encore aujourd’hui puisque certaines sont préservées par des collectionneurs.
Cottin & Desgouttes
Pierre Desgouttes est ingénieur chez Audibert et Lavirotte puis il prend la direction du bureau d’étude chez Berliet. Il fonde la société P. Desgouttes & cie le 10 juin 1905. Les premiers modèles sont un coupé Kellner de 12cv et une limousine de 20cv. Les deux voitures sont présentées au salon automobile de Paris en 1905. Cyrille Cottin est l’actionnaire principal. Les deux hommes s’associent dans une nouvelle entreprise Cottin & Desgouttes en 1906. Cottin & Desgouttes engagent des voitures sur différentes courses automobiles pour se faire connaître. C’est le premier constructeur a adopté un moteur monobloc, une boîte de vitesses à prise directe et une transmission à cardan. Cottin & Desgouttes construit des utilitaires à partir de 1907. A la suite de la guerre, les véhicules utilitaires sont fabriqués pour les petites municipalités.

Voisin
Gabriel Voisin installe en 1901 son atelier avec son frère à Villevert. Ils ont construit deux voitures à chaudière avec une carrosserie rudimentaire. Ces voitures sont utilisées pour tracter des planeurs. Par la suite, les frères Voisins développent leur activité autour de l’aviation. Il faut attendre 1918 pour que Gabriel Voisin s’intéresse vraiment à la construction automobile.
Rochet – Schneider
Rochet-Schneider est créé en 1889 suite à l’association de Rochet avec Théodore Schneider. Après la construction de différentes voitures notamment avec un moteur Benz, le succès est au rendez-vous à la fin du XIXe siècle. Rochet-Schneider ne s’arrête pas là. La première Rochet-Schneider avec une transmission à cardan est produite en 1902. La marque exporte aux Etats-Unis, en Suisse, en Belgique et en Italie. Le siège social est transféré en 1905 en Angleterre mais les ventes chutent alors le siège social revient à Lyon. A la suite de ça, Schneider quitte l’entreprise. La gamme de voitures n’a pas bien évolué. Elle comprend 5 modèles de 4 cylindres et de 2 modèles de 6 cylindres. En 1910, Rochet-Schneider ne commercialise plus uniquement des châssis nus mais des voitures déjà carrossées. A la même époque, des camions 12 cv et 19 cv sont fabriqués. Pendant la guerre, les ateliers sont utilisés par Renault pour fabriquer des moteurs d’avions. Rochet-Schneider fabrique des obus et des camions. Un seul type de camion est fabriqué de 1,5 tonnes, utilisé en ambulance avec une carrosserie spéciale.



La Buire
La Buire est l’une des entreprises lyonnaises ayant débuté à la fin du XIXe siècle. Après plusieurs essais concluants, elle lance la production en série de ses automobiles. Dès 1904, La Buire engage ses véhicules dans des compétitions automobiles, et la même année, elle expose ses modèles au salon de l’automobile de Paris, notamment une 16 CV et une 30 CV. Par la suite, des modèles comme la 16/20 CV, surnommée « Type de Fraignac », se distinguent par leur silence de fonctionnement, grâce à des engrenages en bronze avec des dents en fibre qui éliminent les bruits de friction. En 1906, La Buire enrichit sa gamme avec quatre nouveaux modèles : la 15/20 CV, la 24/30 CV, la 35/50 CV et la 80/100 CV, tous équipés de moteurs quatre cylindres. Deux ans plus tard, en 1908, trois modèles à moteur six cylindres voient le jour. Malgré une faillite en 1909, une nouvelle société est créée en 1910 pour poursuivre l’activité automobile, en introduisant des moteurs allongés. Pendant la Première Guerre mondiale, La Buire se reconvertit dans la production de camions et de remorques pour l’armée, et après la guerre, elle commercialise des camions destinés aux particuliers. Ses dernières voitures, les modèles 11a et 12a, sont produites entre 1919 et 1923.



Des cartes pour s’orienter sur les routes de France
Michelin édite les premières cartes routières en 1910. Les cartes couvrent l’ensemble de la France en 47 feuilles à l’échelle 1/200 000. Michelin obtient des pouvoirs publics en 1912 que les bornes routières soient complétées par un numérotage.
Le prénom de sa fille
Emil Jellinek est un concessionnaire automobile, au début du XXe siècle à Nice. Jellinek souhaitent que Daimler lui réalise une voiture de sport. Daimler a pour exigence que Jellinek achète une série de 36 voitures et il aura les droits exclusifs de distribution. Jellinek donne le nom de sa fille Mercédès aux voitures. La marque Mercedes est déposée en 1902. Les premières Mercedes sont la Simplex et les Mercedes 35 cv de course.


Daimler s’est engagé avec ses associés à respecter les normes de qualité les plus élevées. A partir de 1908, DMG et Benz construisent de plus en plus de véhicules utilitaires. L’étoile Mercedes est introduite comme logo en 1908. L’étoile à trois branches représente “la mobilité sur terre, sur l’eau et dans les airs”. Les deux sociétés produisent pendant la première guerre mondiale des avions.
Les débuts du camping et de la Vanlife
Les accessoires pour l’automobile se développent également. Louis Vuitton a déjà révolutionné le monde de la bagagerie avec son invention de la malle plate. Il crée aussi des malles spécialement pour les automobiles avec des formes et des mesures spéciales. Louis Vuitton en partenariat avec le carrossier G. Kellner adapte les voitures pour le camping avec des lits, table, cuisine de route, cantine à déjeuner etc. Un autre ensemble de campement complet est proposé par Louis Vuitton, la voiture est agrémentée d’un auvent sur le côté et à l’arrière et d’une tente de toit. Des échelles étaient vendues pour pouvoir monter sur le toit de la voiture.


Bugatti, la naissance d’une légende
Ettore Bugatti crée sa première voiture en 1900, la Bugatti type 2 avec un moteur quatre cylindres avec soupapes en tête. Après le salon de Milan en 1902, Bugatti fabrique des voitures pour De Dietrich vendue sous le nom De Dietrich – Bugatti. La gamme comprend trois modèles : la Bugatti Type 3, Type 4 et Type 5. En 1904, De Dietrich arrête le contrat avec Bugatti. Emile Mathis propose alors à Bugatti de créer de nouvelles voitures. Les Bugatti Type 6 et Type 7 sont alors fabriquées mais les clients ne sont pas contents. Ettore Bugatti s’associe avec Deutz Gamotoren-Fabrick en 1907 et la Type 8 et 9 sont conçus mais la encore le succès commercial n’est pas au rendez-vous.
En 1909, Bugatti s’installe seul à Molsheim en Alsace. En 1910, il produit sa première voiture sportive, la Type 13, présentée au salon de l’automobile de Paris la même année. La biplace ouverte ne pèse que 490 kg. Elle est propulsée par un moteur à quatre cylindres refroidi par eau de presque 1,5 litre développant initialement 40 ch et plus tard 50 ch. Cette voiture de course roule jusqu’à 150 km/h. En raison de la première guerre mondiale, la production s’arrête. Après la guerre, un modèle légèrement révisé est développé. Désormais avec une cylindrée de 1368 cm3, une technologie moderne à quatre soupapes, un arbre vertical et 30 ch. Le métal blanc est utilisé pour le vilebrequin et les pistons tout aussi nouveau que la pompe à essence et la pompe qui asperge d’huile certains composants de manière sélective. Une boîte de vitesses à quatre vitesses légère et facile à manœuvrer permet au conducteur de changer de vitesse facilement.




Naissance de la marque Citroën
En 1919, André Citroën reconvertit son usine quai de Javel qui à l’origine fabrique des engrenages pour se lancer dans un secteur florissant, l’automobile. La première voiture est la Citroën 10 HP Type A. André Citroën veut une automobile à un prix modeste dont l’entretien coûte peu. Il s’inspire de la Ford T pour créer la 10 HP Type A autant dans sa conception que dans sa méthode de fabrication. Elle est dotée d’un moteur de 10cv, de suspension avant par deux ressorts quarts -elliptiques et de suspension arrière par quatre ressorts quarts-elliptiques.




“Pour vous assurer cette économie sur l’essence et les pneumatiques, vous devez adopter la voiture qui est construite précisément en vue de réduire ces frais coûteux d’entretien. Par la suite, le parfait rapport du poids du véhicule à la puissance du moteur 10 HP, Citroën permet de réaliser cette économie à un plus haut degré que toute autre voiture ; elle ne consomme au 100 km que 7 litre ½ d’essence et 250 grammes d’huile. l’usure des pneumatiques est très réduite en raison de sa légèreté. » Nous vante la publicité d’époque.

Crédit photos : Bibliothèque nationale de France, The Henry Ford, Renault, Bugatti, Citroën
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