Depuis les débuts de l’automobile, la quête de la vitesse a fasciné inventeurs, ingénieurs et pilotes. À l’aube du 20e siècle, dépasser les limites de vitesse n’était pas seulement un défi technologique, mais une véritable démonstration de fierté nationale. Des records établis en France, en Belgique, au Royaume-Uni et aux États-Unis ont marqué l’histoire, chaque étape repoussant un peu plus loin les frontières de l’impossible. Mais c’est dans les années 1960, avec l’avènement de moteurs à réaction, que la quête de vitesse a pris une nouvelle dimension.
Parmi les figures emblématiques de cette époque, le pilote californien Craig Breedlove se distingue comme une légende. Son engin révolutionnaire, la Spirit of America Sonic I, a marqué un tournant dans l’histoire des records de vitesse automobile. Plus qu’une simple voiture, la Sonic I était une prouesse d’ingénierie, incarnant l’ambition américaine de dominer les étendues salées de Bonneville et de briser les barrières jusque-là inimaginables.
La genèse d’un engin révolutionnaire
En août 1963, Craig Breedlove réalise un exploit qui capte l’attention du monde entier : il atteint 655,722 km/h (407,447 mph) à bord de son Spirit of America, un véhicule propulsé par un turboréacteur GE J47 emprunté à l’aviation militaire. Ce record marque une rupture avec les méthodes traditionnelles : pour la première fois, un véhicule terrestre n’utilise pas de roues motrices, mais la poussée d’un moteur à réaction. Ce saut technologique inaugure l’ère des jets sur terre.
Cependant, les records sont faits pour être battus, et les frères Walt et Art Arfons ne tardent pas à relever le défi avec leurs propres véhicules à réaction, le Wingfoot Express et le Green Monster. Face à cette concurrence féroce, Breedlove réagit en concevant un engin encore plus ambitieux : la Spirit of America Sonic I.
Une conception unique pour briser le mur du son
La Sonic I, construite en 1965, est bien différente de son prédécesseur. Exit la silhouette élancée à trois roues ; la Sonic I repose sur quatre roues et arbore un fuselage en forme de “ bouteille de Coca-Cola ” de plus de 10 m de long. Ce design aérodynamique exceptionnel abrite un turboréacteur GE J79, similaire à ceux utilisés sur les chasseurs F-4 Phantom II, capable de produire jusqu’à 6 804 kg de poussée grâce à sa postcombustion.
Des innovations supplémentaires viennent compléter cet engin hors normes. Les roues en aluminium forgé, équipées de pneus spéciaux développés par Goodyear, supportent des contraintes extrêmes, tandis que des freins à disque et un parachute de freinage assurent la sécurité de l’appareil. Le cockpit, pensé pour les vitesses supersoniques, inclut un système d’air embarqué destiné à protéger le pilote dans des conditions extrêmes.
1965, l’année de tous les défis
Le 2 novembre 1965, Breedlove établit un nouveau record de vitesse terrestre en atteignant 893,892 km/h (555,485 mph) sur les vastes étendues salées de Bonneville, dans l’Utah. Pourtant, moins d’une semaine plus tard, Art Arfons riposte avec son Green Monster et s’empare du titre.
La réponse de Breedlove est rapide et spectaculaire. Le 15 novembre 1965, il franchit un cap historique en atteignant 966,574 km/h (600,601 mph), devenant le premier homme à dépasser la barre des 600 mph. Ce record ne marque pas seulement une victoire personnelle, mais aussi un jalon dans l’histoire de l’automobile et de l’aéronautique terrestre.
Cet exploit est également suivi d’une autre prouesse : Lee Breedlove, l’épouse de Craig, devient la femme la plus rapide du monde en atteignant 496,699 km/h (308,506 mph) à bord de la Sonic I.
Une légende intemporelle
Malgré son ambition de repousser encore les limites, Craig Breedlove n’entreprend plus de tentatives après 1965. Son record tiendra jusqu’en 1970, et il faudra attendre 1997 pour qu’un autre véhicule terrestre, le ThrustSSC, franchisse le mur du son avec une vitesse de 1 227,986 km/h (763,035 mph).
La Sonic I reste cependant un symbole unique de l’ingéniosité américaine et de l’optimisme d’une époque où tout semblait possible. En 1975, elle entre dans la collection du musée du circuit d’Indianapolis, où elle est soigneusement préservée. Depuis, elle a été exposée dans des lieux prestigieux comme le Daytona International Speedway en 1980 et le Petersen Automotive Museum en 1995.
La Spirit of America Sonic I sera disponible à la vente aux enchères qui se tiendra à Miami du 27 au 28 février 2025, pour la première fois de son histoire. Elle est estimée entre 475 000 € et 950 000 €. Plus qu’un simple véhicule, elle incarne l’audace, l’innovation et la passion pour la vitesse. Ce chef-d’œuvre, témoin d’une époque révolutionnaire, serait une pièce maîtresse dans toute collection consacrée à l’exploration des limites humaines et technologiques.